mardi 30 août 2011

La lumière dans les chaumières

Une ligne électrique pour chaque ferme !
Je ne pourrais pas vous dire mon âge mais je me souviens du jour ou l’électricité est arrivée  à la maison… pour nous, elle n’avait qu’un nom :  La LUMIERE … elle est venue détrôner  la lampe à pétrole et la bougie.

Une scène reste gravée dans ma mémoire.
J’étais trop petite pour atteindre l’interrupteur …  je  vois encore mon père revenir furieux de l’étable  pour me demander d’arrêter ce  jeu qui consistait à monter sur une chaise   pour actionner l’interrupteur juste pour le plaisir de voir s’allumer la lumière. 

Si on s’arrête 5 minutes pour réfléchir au modèle économique qui a justifié le raccordement de chaque ferme au réseau électrique au regard de la consommation escomptée, on est sûr que  quelque part, les comptes n’étaient pas équilibrés (d’ailleurs, l’ont-ils étaient un jour ?).
Mais a cette époque, nous étions à des années lumière ( j'exagère!)  de telles considérations dans nos chaumières … Le progrès allait de soi, dans un monde où peut-être, l’économie n’était  pas  soumise à une rentabilité à court terme des investissements.
Par contre, dans ce monde paysan ou chaque sou était  rudement gagné… on se contentait d’une lampe par pièce  … qu’on allumait seulement quand c’était nécessaire ! 
Peu à peu,  la lumière est devenue aussi naturelle que le soleil qui brille le jour…et d’autres applications de l’électricité sont venues  lui  faire perdre un peu de son éclat

samedi 27 août 2011

On roulait en "deuche"

Je ne me souviens pas la date exacte quand  mon père a acheté sa première voiture mais je sais que j’étais  à l’école primaire du village  … En effet, on était pensionnaire dès l’âge de 6 ans car on ne pouvait pas  revenir de l’école  à la maison tous les soirs, à pied. Il aurait fallu faire 5 km à pied le matin ainsi que le soir … soit 4 heures de marche par jour pour nous accompagner.
Le Yvou, la Jacqueline; le chien et la 2CV
C’était donc  autour  des années 65 que mon père a acquis sa première voiture : un  2 CV , une « deuche »  (avant, on allait donc au village a pied ou à cheval avec la charrette ou avec la moto-faucheuse qui tirait une petite remorque !)

  • De couleur vert kaki … pour se fondre dans le paysage … modeste et discrète dirons-nous !
  • Avec, s’il vous plait, un toit en toile décapotable … est ce le climat ou l’indifférence à la frime qui faisait qu’on n’en profitait guère ? un peu des deux je crois
  • Un capot a l’avant bombé comme le ventre d’un paysan à la retraite
  • Deux yeux exorbités  …comme pour s’étonner  de toute cette nature  
  • Souple et légère… si légère qu’il suffisait  d’un  homme pour la sortir  d’une congère de neige ou d’un chemin boueux   
  • Un voix bien à elle, reconnaissable entre mille


Bien  qu’elle ait  révolutionné  les déplacements de la famille, cette voiture avait quelques travers de caractère pour nous les enfants.
Combien de fois, ne nous a-t-elle pas écrasé les doigts avec ces demi-vitres  qui  se relevaient  mais qui avaient la  fâcheuse tendance de retomber sans crier gare ?
C’était un 4 places et nous étions 5 …pour  les  3 enfants a l’arrière,  2 s’enfonçaient dans ses sièges a élastique et le 3 ème  s’asseyait sur la barre métallique du milieu qui faisait très mal au cul…On avait beau être élevé a la dure, on essayait tout de même de développer un stratégie pour éviter cette barre  … l’objectif était donc d’être le dernier entré dans la voiture …vous pouvez imaginer qu’au moment de partir, il y avait un peu de tension si bien que mes parents essayaient d’instaurer un tour de rôle pour le supplice .

mercredi 24 août 2011

Il vaut mieux tard que jamais !

Après la  route, on a eu la voiture . Mon père a passé son permis au Puy en Velay ( bien que pour l'époque, il s'agissait d'une simple formalité , mon père était fier de nous raconter dans le menu détail cette expérience mémorable ).
Je me souviens avoir vu traîner le livre du code de la route à la maison et beaucoup de panneaux restaient bien mystérieux  pour la simple et bonne raison qu'on ne risquait pas de les croiser en chemin!

De plus, la raison d'être de tous ces panneaux nous échappait un peu. Il y avait un côté arbitraire dans toutes ces interdictions, obligations, ...  !
J'en veux pour preuve  cette anecdote  encore présente dans ma mémoire aujourd'hui.

Au village, le seul panneau qui sortait du lot était le STOP ...il était si célèbre qu'il avait un nom . On l'appelait  "le stop de chez Lavastre".
Un paysan du village qui avait oublié de s'arrêter au stop, s'est arrêté un peu plus loin (devant le prochain bistro). Il  disait très sérieusement : "j'ai oublié de m’arrêter au stop de chez Lavastre, je me suis arrêté chez Reynaud . Si les gendarmes m'avaient vu, ils auraient bien vu  que j'ai fait preuve de bonne volonté"

jeudi 18 août 2011

"Maintenant, on a la route"

"Maintenant, on a la route"
" c'était l'époque ou on n'avait pas encore la route, ... "

Ces deux phrases peuvent vous paraitre étranges,  et pourtant ...il était un temps  ou "avoir une route"  qui passait devant votre porte était une fierté  d’abord  et du confort ensuite.


La route devant chez nous ... une vraie route de campagne


La route sur le plateau ardéchois, elle se construisait petit a petit, ferme par ferme  ... et un jour , la route est arrivée  devant chez nous   ...Je m'en souviens  de manière flou, plus au travers des conversations de mes parents ...  On parlait "des ouvriers qui travaillaient à la route "... On parlait "de la route qui n'arrivait que jusqu’à  Chabonne" ( une ferme a mi-chemin entre le village et notre ferme )

Savez vous a quoi on reconnait une vraie route de campagne ?
C'est une route ou l'herbe pousse au milieu 

dimanche 14 août 2011

un mode de vie ... modeste, austère , rural , frugal, misérable ....

 j'ai beau chercher ... aucun adjectif ne me convient vraiment aussi je vais vous en parler un peu et chacun y mettra l'adjectif qui lui convient ...

Le plateau ardéchois constitue une région bien distincte du reste du département, de part son relief et son climat. Il appartient  aux hautes terres du Massif Central. L’altitude et le fait qu’il s’agit d’un plateau  en font une région au climat montagnard, avec des hivers longs et rigoureux (notre ferme se situait à 1400 mètres d’altitude).

Le cadre est ainsi posé pour mieux comprendre notre mode de vie. 

Le chauffage  était assuré par un fourneau à bois (puis plus tard à gasoil) installé dans la pièce à  vivre et qui fonctionnait en permanence  … et complété l’hiver  par la chaleur  du troupeau qui résidait à l’étable ( la température idéale  était donc à  l’étable , en hiver).
Je me souviens que par grand froid, on pouvait racler le givre à l’intérieur des fenêtres de la chambre ! Pour réchauffer notre lit, on utilisait des briques qui passaient la journée dans le four, qu’on enveloppait de journaux  et qu’on mettait dans le lit au moment de dormir … ou des bouillottes.
La  bouillote ou la brique chauffaient une petite surface du lit et au cours de la nuit, devenaient des blocs froids. Avec recul, je n’ai jamais compris pourquoi, ma sœur et moi  qui partagions  le même lit, on avait une seule bouillotte… 4 pieds pour une seule bouillotte, ça donnait lieu à  quelques conflits de territoire !
Plus tard, on a eu des couvertures chauffantes…qui  en fait,  étaient très dangereuses  (un jour, le lit de mon frère a  pris feu ! )  Par contre, cela augmentait la surface réchauffée du lit !

une chaufferette
Si on restait sans rien faire dans la cuisine, on pouvait compléter  ce chauffage « frugal » par une  chaufferette … On la remplissait de braises tirées du feu et on posait les pieds dessus. Cela permettait d’avoir chaud  si on restait assis (lors des veillées – pour les grands-parents qui vivaient dans la maison et n’étaient pas très actifs).Une autre alternative à la chaufferette était s’asseoir à côté du fourneau, les pieds dans le four .


la source au fond de l'étable

Il n’y avait pas d’ « eau courante » comme on disait à l’époque, pour dire que l’eau n’arrivait pas dans la cuisine. Au fond de  l’écurie, il y avait une source ou on allait chercher l’eau pour notre usage personnel et pour les animaux. L’eau de cette source était d’une pureté exceptionnelle et toujours très fraiche, hiver comme été. 


Sur le fourneau de la cuisine, trônait en permanence une marmite d’eau chaude qu’on réalimentait  régulièrement en fonction des besoins (certains fourneaux étaient même équipés d’une reserve d’eau chaude).

Le fourneau et sa marmite d'eau chaude ...ma tante et mon oncle
Les sanitaires, la douche …on ne connaissait pas… j’ai du prendre ma première douche au pensionnat de jeunes filles du Béage.

La promiscuité avec les animaux et le fait que ma mère n’était pas un as du ménage faisaient qu’on évoluait dans un univers "très peu astiqué"  (et c'est un euphémisme !) .  Je peux le dire sans honte aujourd’hui mais avec une hésitation de peur de jeter l’opprobre sur mes parents.

Mais si avec notre regard  actuel, notre mode de vie était plutôt « misérable » , digne d’un décor de Zola ou de Dickens … nous ne le vivions pas comme tel ..Pour nous,  c’était la vie normale…

Vous noterez entre les lignes  qu’on était des adeptes qui s'ignoraient  du concept   d’énergie renouvelable  et recyclable !

mercredi 10 août 2011

BARBE la maison de notre enfance ... notre ferme

enfin pas vraiment  notre ferme puisque cette ferme était à notre grand-père ... Notre père qui l'exploitait, payait un peu de fermage à ses deux sœurs.

BARBE ...drôle de nom pour une ferme ( je vous fais une confidence ..Quand j'étais enfant,  j'avais honte de  donner mon adresse à  des amis  - c'était une preuve de confiance si, à la fin de l'année scolaire, j'échangeais mon adresse avec une amie pour qu'on s'écrive pendant les grandes vacances )

De plus, ce nom de ferme nous valait quelques sobriquets..on pouvait nous surnommer "le Barbet" ou "la barbette" ...Bref, c'était une adresse lourde à porter 


BARBE au milieu de ses terres
On jouissait d'une vue extraordinaire ..sans vis a vis ...mais encore fallait-il le savoir !
Dans ce cadre sauvage, d'une beauté tranquille et silencieuse, parfois , on entendait l'aboiement d'un chien, le croassement d'un corbeau , un paysan d'une ferme au loin qui appelait son troupeau pour la traite, une voiture de passage ...


BARBE vue de face

BARBE vue de dos
La ferme était construite de manière à  pouvoir accéder de  plein pied aux deux niveaux  :
  • au niveau supérieur, la grange( pour stocker le fourrage qui servirait à nourrir le troupeau l'hiver)
  • au niveau inférieur, l'écurie et l'habitation des gens.
Un seul bâtiment abritait les hommes, le bétail, le foin, les outils . (nos voisins de pallier étaient donc des vaches, des cochons et des chèvres)
La toiture était en lauzes (Pour assurer une meilleure étanchéité, on intercalait de la mousse entre les lauzes). Le poids énorme des lauzes nécessitait  une charpente très importante, soutenue par des murs très épais (80 à 120 cm)

A la base, il n’y avait qu’une pièce à vivre (et à dormir) car  cette pièce, initialement,  était entourée de lit-placards.
Nos parents avaient gagné une chambre sur la  grange,  chambre qui servait pour toute la famille …puis un jour, on a aménagé une mini-pièce,  jouxtant la cuisine pour faire une chambre pour ma sœur et moi (on avait enfin l'impression d'être un peu comme les autres enfants de nos livres qui eux, avaient toujours une chambre)
La grange
l'écurie avec le tombereau pour sortir le fumier
un exemple de lit-placard

mardi 2 août 2011

1958 ... Ces années-là

Les petites histoires s'inscrivent toujours  dans la grande Histoire des hommes ...
Nos petites histoires commenceront en 1958 ...l'année de ma naissance mais ce ne fut pas le seul évènement  ( je vous sens rassurés :))   ..aussi j'ai voulu en savoir un peu plus sur cette époque
  • En décembre 1958, Charles de Gaulle est élu président de la République
  • 80 % des Français approuvent la nouvelle Constitution lors du référendum du 28 septembre 1958 : la Ve République est née.
  • 1960 le nouveau franc est né (le nouveau franc vaut 100 francs anciens).
  • 1961 la guerre froide connaît un regain de tension , les Soviétiques font construire un mur pour séparer Berlin-Est et Berlin-Ouest
  • ... 
Au regard de ces évènements-la, je comprends mieux  les idées politiques qui ont bercé mon enfance.

Mon père vouait une grande admiration au Général de Gaulle pour les raisons que chacun sait  ( je vous fais grâce d'une petite leçon d'histoire  ..que vous pouvez retrouver sur cet excellent site de l'éducation nationale  ).


Parallèlement, il  vouait une non moins grande aversion pour le communisme  ( la guerre froide était aussi dans les têtes ) et il n'était pas le seul de cette  contrée !
On peut comprendre ces petits paysans  qui ne voulaient pas que leurs fermes finissent en "Sovkhozes" ou "Kolhoze"(1) (ces mots ,je vous assure  on les connaissait  même si on ne savait certainement pas les écrire) ...
On était donc viscéralement anti-communiste   sur le plateau ardéchois.




Au Béage, cependant on comptait  2 communistes notoires...: Un paysan  et le Bourrelier (2)


Le paysan avait une ferme en éternit blanc-gris. Il disait haut et fort à qui voulait l'entendre que s'il avait pu , il l'aurait faite en éternit rouge ...pour bien marquer son appartenance politique. Il est certain qu'un évènement dans son histoire personnelle expliquait cette spécificité politique... Il ne peut pas en être autrement.
Le Bourrelier, lui était parti à la ville pour sa formation ( si ma mémoire est encore bonne)  et avait du subir quelques "mauvaises influences". Il revendiquait tellement son appartenance politique qu'on le surnommait "Duclos" (un des principaux dirigeants du PCF de l'époque)

On peut être enfant et avoir une conscience politique forte ..ou fortement forgée par les adultes :)

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(1) kolkhoze était une coopérative agricole en Union Soviétique, où les terres, les outils, le bétail étaient mis en commun... une étape intermédiaire avant les sovkhozes qui sont les fermes d'états (nés de l'expropriation des petits paysans russes) ...j'ai trouvé intéressant de mettre la définition car j'avais oublié la nuance entre les 2 mots

(2) Le Bourrelier est celui qui faisait et entretenait les harnais des chevaux, les coussins et courroies qui servaient à mettre les bœufs au joug.