dimanche 30 octobre 2011

Une vie de pensionnaire

Dès que j’ai eu l’âge d’aller à l’école, je quittais la maison pour être pensionnaire au village. Notre ferme se trouvait à cinq  kms  du village aussi, nous ne pouvions pas rentrer tous les jours de l’école. La rudesse des hivers était  la principale raison de cela  car même après l’acquisition  de la voiture, on n’aurait pas pu faire dix kms à pied  dans la neige et  donc vingt  kms pour mes parents qui nous auraient accompagnés.

C’est donc dans un pensionnat catholique de « petites  filles » tenu par des religieuses  que j’entrais dans l’univers scolaire. Quitter ses  parents à un si jeune âge peut sembler  difficile ou anormal mais pour ce qui me concerne, je n’en garde pas de mauvais souvenirs. J’avais compris que c’était un passage obligé et  ma capacité d’adaptation avait fait  le reste. Cependant,  pour certains, pensionnat rimait avec tristesse, ennui et  froideur.

Une vie de pensionnaire, c’était  avant tout une vie ou tout  était minuté : le lever,  les repas, les récréations, les divertissements, le coucher, les prières, les travaux manuels etc. La fantaisie n’avait pas sa place dans un tel univers … C’était  aussi une vie de discipline et de rigueur ou l’affection  naturelle qu’on pouvait recevoir des parents était absente …non pas que les religieuses soient dépourvues d’affection mais simplement « être une mère »  ne faisait pas parti de leur mission… je mettrais donc cela sur le compte de l’ignorance … Il y avait du temps pour  rire et  pour parler  mais seulement  pendant la récréation ou pendant les repas … Une vie de pensionnaire,  c’était une vie communautaire  ou la seule intimité que vous puissiez avoir  était  celle que vous entreteniez avec vos pensées… ou les groupes se faisaient et se défaisaient …au grès d’alliances ou de guerres déclarées. Notre école avait sa « caïd » … il fallait éviter de se la mettre à dos tant  on redoutait les représailles. J’ai su que j’avais une amie en ma voisine de dortoir le jour ou j’ai pu lui partager ma révolte sur de tels agissements sans crainte d’être trahie.
Chaque dimanche, nous allions à la messe et nous les pensionnaires, nous  étions au premier rang à l’église. Nous savions que nos parents étaient quelque part au milieu de l’assemblée des fidèles mais nous n’avions aucun contact avec eux. Après la messe, alors que nous prenions le repas, nous recevions la visite de nos parents. On nous appelait  pour venir les embrasser. Ils nous apportaient notre gouter de la semaine souvent un paquet de gâteaux que nous allions ranger précieusement dans un petit placard personnel. 


Des que je commençais ma scolarité, je dois reconnaitre que la part que les religieuses auront dans mon éducation deviendra prépondérante par rapport à celle de mes parents pour la simple et bonne raison qu’à partir de ce moment la, je n’étais plus à la maison que pour les vacances scolaires. Si je n’ai pas été traumatisée par la vie de pensionnaire, c’est principalement je pense, parce que j’ « aimais l’école » comme disaient les adultes. Ma curiosité  y avait trouvé de belles opportunités  d’explorer des savoirs nouveaux. Apprendre n’était pas une contrainte mais plutôt un plaisir. Les devoirs étaient des petits défis que je me plaisais à relever …

Photo de classe à l'école primaire du Béage

samedi 15 octobre 2011

Aller aux framboises


La forêt de Muserand
Après les foins, après les myrtilles, chaque fin d’été, nous allions avec ma mère cueillir des framboises sauvages. Équipés de petits récipients et de seaux, chaussés de bottes  pour limiter les égratignures, nous allions à Braille ou a la forêt de Muserand  pour faire notre cueillette.  Nous connaissions tous les coins ou l’on pouvait trouver ces baies. 

Les framboises sauvages poussent dans les clairières ensoleillées, au bord des murailles… Elles n’ont pas l’embonpoint  de leurs cousines domestiquées, elles ont  des grains plus durs  … aussi leur destin est de finir en gelées mais leur parfum  reste inégalable.  Chaque fruit se ramasse un a un … il nous fallait un après-midi  à tous pour remplir notre seau.
 
Avec la  cueillette, ma mère faisait de délicieuses gelées. Nous aimions   bien participer aux différentes étapes  de la préparation  comme :
  • Faire éclater les fruits en les faisant chauffer à feu doux et en remuant fréquemment pour ne pas que les fruits attachent au fond de la marmite
  • Passer le jus dans un torchon pour extraire chaque goutte du précieux nectar
  • Faire cuire le jus et le sucre tout en remuant le mélange
  • Remplir les pots  en couvrant la surface du jus par un papier sulfurisé  imbibé de rhum pour éviter les moisissures
  • Sans oublier de  lécher la marmite à la fin
Cette gelée était un vrai régal sur une tranche de pain beurré le matin au petit-déjeuner.

dimanche 9 octobre 2011

Après les foins ..LES MYRTILLES

Les myrtilles
Cette petie baie noire, très rependue sur le plateau ardéchois, un jour, valut de l'or pour nous, les enfants. En effet, lorsque que  la collecte des myrtilles fut organisé  dans notre village, ce fut un opportunité pour nous de gagner notre "premier salaire". Dès que les foins étaient finis, nous nous consacrions à  la cueillette de ce petit fruit.Nous arpentions les landes boisés, avec un "peigne", une bassine et un seau. 
Le peigne pour la cueillette
La cueillette se faisait  donc à l'aide  d'un  "peigne" conçu spécialement pour ce faire. En peignant les petits  myrtilliers, le fruit, avec pas mal de feuilles aussi, se  décrochait   de la plante pour tomber dans la bassine. Une fois la bassine trop lourde pour notre poignet, nous la vidions dans le seau et une fois le seau plein , nous retournions  à la maison. Parfois , il nous arrivait de perdre notre seau à force de tourner dans cette lande à la recherche des myrtilles. L'astuce pour éviter ces émotions désagréables consistait à mettre un pull sur l'arbre  qui voisinait le seau  ainsi, on pouvait plus facilement repérer son emplacement.
Chaque  jour, nous étions a la recherche de "nouveaux gisements" et chaque jour nous  éloignait un peu plus de la maison.
Le cueilleur de myrtilles à l'action

Le soir , mon père pesait la récolte de chaque enfant et la portait chez un paysan du coin qui centralisait tout le ramassage effectué par le quartier. A son retour, il donnait à  chacun le gain de sa journée. 

Avec l'argent de ma première saison de récolte de myrtilles, j'ai acheté un magnétophone à bande ...Pouvoir enregistrer la voix et les chansons de la radio, c'était magique ...je me souviens de la première chanson que j'ai enregistré  sur ce magnétophone... je l'ai passé en boucle pour en copier les paroles et l'apprendre par cœur. Aujourd'hui, encore, ces paroles  me reviennent à la mémoire 
“Grenades , grenades, fruits de la belle saison , une sérénade m’a fait perdre la raison ... “
Pour moi cette chanson était très belle, elle parlait de pays ensoleillés, de fruits généreux et inconnus ...mais mon père, qui par hasard prêta attention  à  mon enregistrement eut une parole si désapprobatrice et méprisante que je compris qu'il y avait quelque chose de mal avec cette chanson.  Je n'osais pas demander quoi ,  mon père n'osa pas non plus  me fournir la raison de sa désapprobation. Ce n'est que bien des années plus tard, que je compris le caractère "sulfureux" de son contenu ( ne la cherchez pas su internet, personne n'a jugé opportun de la répertorier ... et je n'en  connais ni  l'auteur ni le titre ...)




 

mercredi 5 octobre 2011

Un dimanche à la campagne

Les années de notre enfance  ont baigné dans la religion catholique omniprésente et indiscutée.
Aussi, aller à la messe le dimanche était un rituel sacré .On y allait chaque Dimanche… seule la maladie pouvait être une excuse acceptable.
Ce jour-là, à la ferme, on n’effectuait que le minimum indispensable des travaux, à savoir nourrir les animaux, nettoyer l’étable, traire les vaches et les chèvres. En faire plus aurait-été un acte grave de désobéissance à  Dieu (à l’église ou à la  tradition)
Mais peu a peu, pendant la période des foins, quand la semaine précédant le dimanche avait été particulièrement pluvieuse, le prêtre du haut de sa chaire autorisait officiellement   à récolter le foin. Par contre on ne pouvait pas faucher, cela aurait été contraire à l’esprit de l’autorisation donnée par le curé.
L'église du Béage et la cure
Aller a la messe , pour nous enfants, cela consistait à rester une heure environ bien sage ( et on l’était à cette époque, je vous assure ) à écouter une liturgie qu’on ne comprenait pas (sachant qu’on a connu la fin de l'époque de la  messe en latin). Il me reste encore quelques formules sacrées et mystérieuses en mémoire.
A la sortie de la messe,  c’était un grand moment de convivialité villageoise.
Trois groupes se formaient …
Les hommes qui se retrouvaient par petits groupes  selon le hasard de leur sortie de l’église et ils allaient au café pour  "boire le canon" . Le groupe pouvait aller de 3 à 8 personnes environ et chacun payait sa tournée, chaque tournée dans un café différent, histoire de faire vivre tout le monde … et les cafés ne manquaient pas. La boisson incontournable était le vin rouge que les plus raisonnables coupaient avec de la limonade, mais les raisonnables étaient plutôt  rares. Donc, vous comprendrez qu’après la messe, à l’issue de cette virée des bistros du village, un paysan pouvait avoir « quelques canons »  à son actif sans être saoul pour autant.
Les femmes aussi se retrouvaient en petits groupes pour boire le café  mais la on laissait moins  faire le hasard. Le copinage est une valeur plus essentielle dans le monde féminin. Donc ma mère prenait son café avec toujours plus ou moins les même copines et le devoir voulait qu’elles boivent un seul café par dimanche.A tour de rôle, chacune  offrait  le café , il fallait simplement se souvenir d’un dimanche à l’autre qui avait payé sa tournée. Pour accompagner ce café, elles achetaient un paquet de gâteaux à  l’épicerie.
Alors me direz-vous pourquoi les femmes prenaient un seul café ? C’est surtout qu’elles avaient les courses à faire pour la semaine.Cela consistait acheter  quelques fruits et légumes et quelques articles d’épicerie. Les courses de la semaine, cela représentait 2 cabas environ … on était loin de la variété et de l’abondance actuelle.Ma mère apportait les courses à la voiture et attendait le retour de mon père.Il est clair que si la gendarmerie faisaient un contrôle d’alcoolémie  après la tournée des cafés, tout le monde serait rentré à pied à la maison !
Pour nous les enfants, nous accompagnions notre mère  ou des que nous avions un certain âge je dirai 10 /11 ans , on avait le droit d’arpenter avec nos copines les rues du village et nos  parents  nous donnaient la pièce pour aller acheter  quelques douceurs : un mars , un caramba , une barre de chocolat malakoff (*), une mini barquette de Nutella ... chez la Gusta de Prosper ( je suppose qu’il y avait d’autres Gusta qui n’appartenaient pas à Prosper )

Quand mon père revenait de sa tournée des bistros, on rentrait à la maison et  notre priorité étaient de quitter les habits du Dimanche pour ne pas les salir en vue du dimanche prochain.


(*) comme je n’étais plus sûre du nom car je ne vois plus ces chocolats à la vente de nos jours, j’ai vérifié  sur  Wikipedia qui les connait aussi : Chocolat Malakoff : barre chocolatée au praliné noisette inventée par un chocolatier  stéphanois  le 8 septembre 1855, en souvenir de la Bataille de Malakoff. Ils étaient délicieux aussi on ne peut pas les oublier