C’est donc dans un pensionnat catholique de « petites filles » tenu par des religieuses que j’entrais dans l’univers scolaire. Quitter ses parents à un si jeune âge peut sembler difficile ou anormal mais pour ce qui me concerne, je n’en garde pas de mauvais souvenirs. J’avais compris que c’était un passage obligé et ma capacité d’adaptation avait fait le reste. Cependant, pour certains, pensionnat rimait avec tristesse, ennui et froideur.
Une vie de pensionnaire, c’était avant tout une vie ou tout était minuté : le lever, les repas, les récréations, les divertissements, le coucher, les prières, les travaux manuels etc. La fantaisie n’avait pas sa place dans un tel univers … C’était aussi une vie de discipline et de rigueur ou l’affection naturelle qu’on pouvait recevoir des parents était absente …non pas que les religieuses soient dépourvues d’affection mais simplement « être une mère » ne faisait pas parti de leur mission… je mettrais donc cela sur le compte de l’ignorance … Il y avait du temps pour rire et pour parler mais seulement pendant la récréation ou pendant les repas … Une vie de pensionnaire, c’était une vie communautaire ou la seule intimité que vous puissiez avoir était celle que vous entreteniez avec vos pensées… ou les groupes se faisaient et se défaisaient …au grès d’alliances ou de guerres déclarées. Notre école avait sa « caïd » … il fallait éviter de se la mettre à dos tant on redoutait les représailles. J’ai su que j’avais une amie en ma voisine de dortoir le jour ou j’ai pu lui partager ma révolte sur de tels agissements sans crainte d’être trahie.
Chaque dimanche, nous allions à la messe et nous les pensionnaires, nous étions au premier rang à l’église. Nous savions que nos parents étaient quelque part au milieu de l’assemblée des fidèles mais nous n’avions aucun contact avec eux. Après la messe, alors que nous prenions le repas, nous recevions la visite de nos parents. On nous appelait pour venir les embrasser. Ils nous apportaient notre gouter de la semaine souvent un paquet de gâteaux que nous allions ranger précieusement dans un petit placard personnel.
Des que je commençais ma scolarité, je dois reconnaitre que la part que les religieuses auront dans mon éducation deviendra prépondérante par rapport à celle de mes parents pour la simple et bonne raison qu’à partir de ce moment la, je n’étais plus à la maison que pour les vacances scolaires. Si je n’ai pas été traumatisée par la vie de pensionnaire, c’est principalement je pense, parce que j’ « aimais l’école » comme disaient les adultes. Ma curiosité y avait trouvé de belles opportunités d’explorer des savoirs nouveaux. Apprendre n’était pas une contrainte mais plutôt un plaisir. Les devoirs étaient des petits défis que je me plaisais à relever …
Photo de classe à l'école primaire du Béage |