samedi 14 avril 2012

Que reste-il de notre enfance ?



Ma sœur et mon frère
Plonger dans ses souvenirs d’enfance, c’est comme soudain se mettre à lire  un vieux livre  connu, découvert au  fond du grenier. Parfois les mots sont effacés, parfois les  pages sont déchirées, mais certains paragraphes sont presque aussi clairs que s’ils sortaient de l’imprimerie. Pourquoi ces paragraphes-là sont restés? Quel tri mystérieux peut bien s’opérer  au fil de ces années ? L'encre n’était pas de qualité égale ? Qui a bien pu arracher telle page ?

Ce livre car ancien, soudain nous passionne. Pourtant, on croyait l’avoir plutôt oublié. Il nous parle de nous, il éclairerait même soudain notre présent. Non, définitivement, il ne nous laisse pas indifférent. D’un seul coup, on le chérit. On a peur de perdre les pages encore intactes faites de luminosités et d’atmosphères indescriptibles, de détails incongrus, d’objets inoubliables , de sentiments  tenaces  ou  flous , légers ou douloureux … il est un  détail troublant, il semblerait qu’en le relisant, on aurait tendance à transformer un peu son contenu.

Avec notre regard d’adulte, qui  de plus  connait le monde contemporain, on prend soudain conscience que les années 60-70 de notre  enfance paysanne  ne furent pas banales. Ce furent   des années charnières dans le monde rural qui bascula soudain dans la modernité : route, électricité, voiture, machines-outils, éducation, … Le  monde paysan qui nous avait bercé  s’en allait, un monde paysan fait de labeur, d’abnégation, d’économie mais aussi de convivialité avec ses fêtes, ses foires, ses veillées …

Je suis trop réaliste pour le magnifier et pourtant, je suis aussi trop consciente  de la richesse qu’il a donné à ma vie … Est ce que j’envierai l’enfance urbaine actuelle de mes enfants, de mes neveux ? … Je suis obligée de reconnaitre qu’elle manque de saveur,  quelle manque de l’effort qui fait  que ce qui est  obtenu par l’effort a du prix. 

Nous étions 3 enfants
De cette enfance qui s’est passé avec  en quelque sorte, les deux pieds dans le monde paysan mais avec la tête chaque fois plus imprégnée du monde citadin et moderne, nous avons  gardé je crois au fond de nous-mêmes, cette  capacité de s’émerveiller, de se  laisser surprendre encore par la vie  et d’en apprécier sa variété. Nous avons hérité de cette nécessité d’aller à l’essentiel.  De manière surprenante aussi, un  manque d’aisance, une certaine gaucherie, un sentiment d’infériorité, d’inadéquation par rapport  aux gens de la ville  nous colle toujours un peu à la peau. Même  si le temps nous a permis peu à peu de superer   tout cela, il y a toujours un peu du « paysan » en nous, dans nos gestes, dans notre mode de pensée.

Plonger dans ses souvenirs d’enfance, ce n’est pas seulement entretenir   une certaine nostalgie du passé, c’est aussi, étrangement, tisser un lien entre les générations futures   qui ne doivent pas oublier leurs  origines (c’était  en partie  ce qui a motivé ma démarche  dans ce blog)

7 commentaires:

  1. que reste-t-il de notre enfance ? un indéfectible attachement à nos racines... et un immense héritage humain... (je n'ajoute rien, tu l'as si bien écrit)..
    grosses bises
    Pierrette

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  2. É essa mesma sensação que tenho de estar lendo um livro antigo e querido, só que sou um outro tipo de personagem...

    As fotos são incriveis, lindas e tímidas. Outra saborosa postagem, cheia de vida e verdade!

    saudades

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  3. Anne-Marie, merci de partager tes pensées et sentiments avec nous. J´aime beaucoup ta prose, ta façon de tisser une toile de fond et ton style dépeignant une autre époque et mode de vie que j´ai moi-mêne connu et grandement apprécié.

    Cette phrase essentielle a retenu mon attention: Je suis obligée de reconnaitre qu’elle manque de saveur, qu´elle manque de l’effort qui fait que ce qui est obtenu par l’effort a du prix.

    Et puis sa compagne: nous avons gardé je crois au fond de nous-mêmes, cette capacité de s’émerveiller, de se laisser surprendre encore par la vie et d’en apprécier sa variété. Nous avons hérité de cette nécessité d’aller à l’essentiel.

    Dans mon cas, c´est chassez le naturel, il revient au galop...l´atavisme lui permet de franchir la haie d´une génération. Tous mes ancêtres paternels étaient agriculteurs du Vaucluse depuis le 16ème siécle et peut-être avant.

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  4. Merci a vous mes lecteurs assidus Merci encore ...j'ai aimé partager avec vous cette tranche de vie

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  5. Que de chemins parcourus depuis cette période.
    Je me souviens quand nos parents décrivaient les conditions de vie de leur propre enfance ou celles de leurs propres parents; pour ma part cela me parraissait sur-réaliste (exemple des enfants au lieu d'aller à l'école pouvaient etre "loués" dans des fermes pour réaliser des petits travaux).
    Pour nos propres enfants, notre enfance leur est également etrangère et pourtant j'ai l'impression que c'était hier et quand je revois ces photos je ne me reconnais pas. On ne vivait pas dans le monde matérialiste d'aujourd'hui, on partageait des valeurs humaines qui sont devenus rares aujourd'hui. Je garde de tres bons souvenirs de cette enfance à barbe mais paradoxalement je ne regrette pas cette période.
    Pendant toute notre enfance, de voir notre pere tenter en vain de quitter barbe sans y croire vraiment de nous parler avec nostalgie des rares experiences en dehors du béage (l'armée en alsace, son sejour lyonnais chez ses sousins, son sejour à Aubenas ches ses cousins) nous a peut etre indirectement motive pour tenter notre chance ailleurs. Yves

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  6. a travers ta réflexion , tu soulignes 2 paradoxes que je partage tout à fait :

    "Je garde de très bons souvenirs de cette enfance à barbe mais paradoxalement je ne regrette pas cette période. "

    "j'ai l'impression que c'était hier et quand je revois ces photos je ne me reconnais pas"
    je pense que c'est l'incroyable decalage entre notre enfance et notre vie actuelle qui explique ce dernier point...

    AM

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  7. Bonjour, autant d'information que mon père me raconte.. Et qui nous semble surréaliste aujourd'hui..
    Je suis la fille de Jean-Paul de Valorie.

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