Ma sœur et mon frère |
Plonger dans
ses souvenirs d’enfance, c’est comme soudain se mettre à lire un vieux
livre connu, découvert au fond du grenier. Parfois les mots sont
effacés, parfois les pages sont déchirées, mais certains paragraphes sont
presque aussi clairs que s’ils sortaient de l’imprimerie. Pourquoi ces
paragraphes-là sont restés? Quel tri mystérieux peut bien s’opérer
au fil de ces années ? L'encre n’était pas de qualité égale ? Qui a bien pu arracher telle page ?
Ce livre car ancien, soudain nous passionne. Pourtant, on croyait l’avoir plutôt oublié. Il nous parle de nous, il éclairerait même soudain notre présent. Non, définitivement, il ne nous laisse pas indifférent. D’un seul coup, on le chérit. On a peur de perdre les pages encore intactes faites de luminosités et d’atmosphères indescriptibles, de détails incongrus, d’objets inoubliables , de sentiments tenaces ou flous , légers ou douloureux … il est un détail troublant, il semblerait qu’en le relisant, on aurait tendance à transformer un peu son contenu.
Avec
notre regard d’adulte, qui de plus connait le monde contemporain,
on prend soudain conscience que les années 60-70 de notre enfance
paysanne ne furent pas banales. Ce furent des années
charnières dans le monde rural qui bascula soudain dans la modernité :
route, électricité, voiture, machines-outils, éducation, … Le monde
paysan qui nous avait bercé s’en allait, un monde paysan fait de
labeur, d’abnégation, d’économie mais aussi de convivialité avec ses fêtes, ses
foires, ses veillées …
Je suis trop réaliste pour le magnifier et pourtant, je suis aussi trop consciente de la richesse qu’il a donné à ma vie … Est ce que j’envierai l’enfance urbaine actuelle de mes enfants, de mes neveux ? … Je suis obligée de reconnaitre qu’elle manque de saveur, quelle manque de l’effort qui fait que ce qui est obtenu par l’effort a du prix.
Nous étions 3 enfants |
De
cette enfance qui s’est passé avec en quelque sorte, les deux pieds dans
le monde paysan mais avec la tête chaque fois plus imprégnée du monde citadin
et moderne, nous avons gardé je crois au fond de nous-mêmes, cette
capacité de s’émerveiller, de se laisser surprendre encore par la
vie et d’en apprécier sa variété. Nous avons hérité de cette nécessité
d’aller à l’essentiel. De manière surprenante aussi, un manque
d’aisance, une certaine gaucherie, un sentiment d’infériorité, d’inadéquation
par rapport aux gens de la ville nous colle toujours un peu à la
peau. Même si le temps nous a permis peu à peu de superer
tout cela, il y a toujours un peu du « paysan » en nous, dans nos
gestes, dans notre mode de pensée.
Plonger
dans ses souvenirs d’enfance, ce n’est pas seulement entretenir une
certaine nostalgie du passé, c’est aussi, étrangement, tisser un lien entre les
générations futures qui ne doivent pas oublier leurs origines
(c’était en partie ce qui a motivé ma démarche dans ce blog)